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Marchés publics / Réception avec réserves / Décompte général et définitif tacite

Marchés publics / Réception avec réserves / Décompte général et définitif tacite

Le cabinet de Maître LACHENAUD a eu l’opportunité, il y a quelques semaines, de défendre sa société cliente dans un litige l’opposant à une communauté de communes, maître d’ouvrage dans le cadre de l’exécution d’un marché public de travaux.

La question principale de cette affaire était l’existence ou non d’un décompte général et définitif (DGD) tacite au profit de la société titulaire du marché.

  • Concernant la procédure ;

Soutenant l’existence d’un DGD tacite au profit de la société titulaire, son Conseil, Maître LACHENAUD, a initié une procédure de référé provision devant le tribunal administratif de Nice (article R. 541-1 du CJA).

En effet, la procédure de référé provision est ouverte pour l’existence d’un décompte général et définitif, même tacite dans le cadre d’un marché public.(CE, 25 janvier 2019, Société Self Saint-Pierre-et-Miquelon, n° 423331; CE, 8 décembre 2020, n° 437983 ; le décompte général et définitif tacite est une créance non sérieusement contestable).

En l’espèce, le juge des référés a répondu par la positive. La communauté de communes a alors formé appel de cette ordonnance devant la Cour administrative d’appel de Marseille.

Le juge des référés a estimé que le dossier présentait une difficulté juridique particulière nécessitant le renvoi en formation collégiale.

Par un arrêt du 21 mai dernier, la Cour administrative d’appel de Marseille a eu l’occasion de rappeler les différentes étapes de la procédure d’établissement d’un décompte général et définitif tacite.

  • Concernant le fond de l'affaire :

Pour rappel, à l’issue de l’exécution d’un marché public de travaux, la société titulaire du marché doit respecter scrupuleusement la procédure d’établissement de son décompte général pour le règlement financier de son contrat.

/ !\ L’arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa version actualisée de 2014 s’appliquait au cas d’espèce.

L’article 13.4.4 du CCAG Travaux, dans sa version applicable au litige, prévoit l’établissement d’un décompte général et définitif tacite.

Ce décompte général et définitif lie définitivement les parties entre elles, peu importe qu’il soit express ou tacite.

Dans la procédure d’établissement du décompte général, chaque étape doit être respectée scrupuleusement :

  • Première étape : La notification du projet de décompte final : le titulaire doit notifier dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision de réception des travaux son projet de décompte final au maître d’ouvrage et maître d’œuvre (conformément à l’article 13.3.2 du CCAG Travaux dans sa version de 2009).

S’agissant du point de départ de ce délai de 30 jours, le Conseil d’Etat a précisé que ce dernier n’est pas identique selon qu’une décision de réception sous réserves ou avec réserves ait été prononcée.

En effet, une décision de réception sous réserves ne fait pas courir le délai de 30 jours imparti au titulaire du marché pour notifier son projet de décompte final. Ce délai ne commence à courir qu’à compter de la date de levée des réserves prévues par l’article 41-5 de ce CCAG. (CE, 8 décembre 2020, n°437983).

A l’inverse d’une réception sous réserves, une décision de réception avec réserves fait courir le délai de transmission du projet de décompte final. (CE, 8 décembre 2020, n°437983)

Ce projet de décompte final doit également être simultanément adressé au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage « par tout moyen permettant de donner une date certaine ».

  • Deuxième étape : Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final (conformément à l’article 13.3.3 du CCAG Travaux 2009).
  • Or, en cas de carence du maître d’œuvre dans la transmission du décompte final et si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé (conformément à l’article 13.4.4 du CCAG Travaux 2009).

La notification de ce projet de décompte général signé par le titulaire du marché doit être précise et non équivoque. Il doit être notifié au maître d’ouvrage ET au maître d’œuvre.

Le maître de l’ouvrage a ensuite dix jours à compter de la réception du projet de décompte général pour notifier le décompte général au titulaire.

Si dans ce délai, aucun décompte général n’a été notifié, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. On parle également de décompte général et définitif tacite.

En l’espèce, l’inaction du maître d’ouvrage face aux manquements du maître d’œuvre avait obligé la société titulaire du contrat à transmettre, après la décision de réception des travaux avec réserves, un projet de décompte final en novembre 2021.

Contrairement à ce que soutenait la communauté de communes, la société titulaire a transmis un projet de décompte final en novembre 2022, après la réception du lot n° 5 conformément aux dispositions de l’article 13.3.2 du CCAG Travaux, comme l’avait d’ailleurs constaté le juge de première instance.

La Cour administrative d’appel de Marseille a précisé dans son arrêt que le point de départ du délai de transmission du projet de décompte final était la décision de réception avec réserves pour en conclure que la notification en l’espèce n’était pas prématurée :

« Il résulte de l’instruction que le lot attribué à la société (…) a été réceptionné le 12 novembre 2021. La décision de réception a été prononcée non pas sous réserve de l’exécution de prestations manquantes, mais avec réserve de la reprise de malfaçons et imperfections. Par suite, en l’état de l’instruction, la contestation de la communauté de communes étant fondée sur le caractère prématuré du projet de décompte final, intitulé « projet de décompte général définitif », établi le 19 novembre 2021 par la société, alors que ce décompte n’était pas prématuré, n’apparaît pas sérieuse. »

En l’espèce, aucun décompte général n’avait été notifié à la société dans un délai de trente jours prévu à l’article 13.4.2 du CCAG travaux.

La société requérante avait alors adressé, conformément aux dispositions de l’article 13.4.4 un projet de décompte général signé le 29 novembre 2022 à la communauté de communes et l’avait mise en demeure de lui retourner le décompte général et définitif signé.

Ce décompte général signé avait été retiré à la poste par la communauté de communes le 2 décembre 2022.

La société requérante avait rappelé au maître d’ouvrage qu’à défaut de notification dudit décompte dans un délai de 10 jours, ce projet de décompte général deviendrait le décompte général et définitif tacite.

Dix jours plus tard, aucun décompte général n’avait été notifié par la communauté de communes à la société de sorte que cette dernière bénéficiait donc d’un décompte général et définitif tacite depuis le 12 décembre 2022.

A court d’arguments, la communauté de communes a tenté de convaincre la juridiction que la société n’apportait pas la preuve des notifications des projets de décomptes et que les accusés de réception produits ne correspondraient pas aux courriers de notifications.

La communauté de communes est même allée jusqu’à soutenir que les enveloppes contenant les courriers de notification n’étaient pas accompagnés des projets de décompte.

La société titulaire du marché a été contrainte de rapporter la preuve de la notification régulière des projets de décompte par plusieurs moyens :

  • Les accusés de réception ;
  • Les preuves de dépôt sur le site de La Poste ;
  • Les factures sur le site de La Poste démontrant le prix et surtout le poids des recommandés (correspondant au nombre de page des courriers) ;
  • Les courriels (chaque envoi postal avait été doublé d’un courriel).

Dans son arrêt du 21 mai 2024 n°23MA02500, la Cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’ordonnance du tribunal administratif de Nice en estimant que la société a bien transmis des documents de nature à attester de la notification régulière des projets de décompte généraux.

Pour conclure, la société cliente a pu obtenir les sommes dues au titre de son décompte général et définitif tacite ainsi que le remboursement de ses frais de justice.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler aux sociétés titulaires de marchés publics mais également aux représentants des pouvoirs adjudicateurs que la procédure d’établissement du décompte général d’un marché doit être scrupuleusement respectée.

Le cabinet de Maître LACHENAUD est compétent pour vous accompagner dans vos démarches, n’hésitez pas à nous contacter.

(Article rédigé le 3 juin 2024)

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